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Rapport de Jacques VERNIER

Jacques Vernier, Président de la commission des filières de responsabilité élargie des producteurs, a remis le 14 mars dernier son rapport. Celui-ci alimentera la réflexion du Gouvernement dans le cadre de l’élaboration de la feuille de route de l’économie circulaire. L’ONG Océans Sans Plastiques apporte ici son éclairage sur un travail d’une grande qualité.



Le rapport de près de 90 pages pose avec clarté le constat de la situation actuelle et présente 10 propositions particulièrement intéressantes au regard de l’enjeu de réduction des pollutions plastiques et qui font largement écho aux 25 propositions d’OsP  pour améliorer le recyclage et réduire les pollutions plastiques :

“Proposition n°1 : Etendre la Responsabilité Elargie des Producteurs (REP) « emballages ménagers » aux emballages des cafés-hôtels-restaurants et favoriser pour certains d’entre eux le réemploi”.

OsP considère cette proposition comme une opportunité non seulement de traiter ces déchets mais également d’accompagner ce secteur vers des pratiques plus vertueuses, notamment de réduction amont des emballages. Il semblerait, en outre, intéressant de généraliser cette démarche à d’autres domaines d’activités de distribution de biens et services dont les déchets produits sont de nature assimilable à ceux des ménages et qui pourraient, en offrant un gisement plus significatif, permettre la structuration de filières (films plastiques utilisés par l’industrie de l’habillement, …).


“Proposition n°4 : Créer 5 nouvelles filières REP : jouets, articles de sport et de loisir, déchets du bâtiment, huiles alimentaires, huiles moteurs usagées.”

Nous ne commenterons ici la proposition qu’au regard de la question des plastiques. Une nouvelle REP sur les jouets, articles de sports et de loisirs est indispensable pour assurer la prise en charge de la fin de vie de produits qui, du fait de leur consommation par les ménages, restent massivement éliminés dans le bac des ordures ménagères. Nous soulignons ici également la nécessité de soumettre les emballages de ces produits au même régime que les emballages ménagers.


Conscient de l’existence de filières structurées de recyclage des déchets plastiques du bâtiment, il nous semblerait intéressant de surseoir à la mise en place d’une REP pour ce secteur. Surseoir, mais fixer des objectifs, ambitieux et datés, de valorisation des plastiques du bâtiment (menuiseries pvc, tuyauterie, câbles mais également emballages plastiques des matériaux de chantier …).


Proposition n° 6 : Étudier la création d’une Taxe Générale sur les Activités Polluantes “amont” sur tous les produits non inclus dans une REP, si possible affectée durablement au financement du service public de gestion des déchets.  OsP se félicite de cette proposition qui pose les bases d’une équité de traitement indispensable entre tous les déchets. Nous restons cependant plus favorables à l’idée d’une “éco-contribution « balai » sur tous les produits hors REP”.

Eco-contribution dont le montant pourrait être conditionné par la “recyclabilité” des matériaux utilisés.


Proposition n° 8 : La loi ou le règlement doit prescrire que dans les contrats entre les éco-organismes et les opérateurs de traitement des déchets, les fluctuations des cours des matières recyclées reposent sur les éco-organismes.

Cette proposition repose sur la question posée des débouchés des matières recyclées et le constat de la fragilité des filières de recyclage, celle du plastique en particulier. Il semble capital de rappeler ici que l’éventuel “manque de compétitivité économique” des matières recyclées n’est que le fruit d’une distorsion de concurrence sur laquelle nous nous attendons que le législateur se penche. En effet, les matières vierges externalisent les coûts environnementaux (toxiques, carbone, déchets.) tandis que les matières recyclées les internalisent (captation carbone, réduction des déchets, des pollutions, …).  Les fluctuations des cours pétroliers de ces dernières années et leurs incidences délétères sur les filières du recyclage des plastiques montrent la pertinence de cette proposition. Laquelle est d’autant plus indispensable qu’au jour d’aujourd’hui c’est le seul contribuable qui supporte les dispositifs - non pérennes - de sauvegarde des filières de recyclage en cas de crise (ORPLAST, …). OsP invite à ce que le dispositif proposé s’assortisse d’une réflexion sur la majoration des contribution au regard du taux de matières vierges utilisées dans un produit.


Proposition n° 10 / 11 : Généraliser à toutes les filières, dans une loi ou un décret, les dispositions de l’arrêté du 26 mai 2016 sur la transmission d’informations des opérateurs vers les producteurs, pour faciliter l’éco-conception de leurs produits. Faire en sorte que l’éco-modulation soit effectivement mise en place dans les filières où elle est déjà requise par la réglementation. La mettre en place dans les autres filières. La porter à un niveau où elle soit vraiment incitative.

Nous ne pouvons que souscrire à ces éléments. Nous soulignons, notamment concernant les emballages plastiques domestiques, la nécessité de porter la modulation à des niveaux réellement incitatifs. Rappelons qu’aujourd’hui la modulation de la taxe sur un emballage perturbateur de la chaîne du recyclage (bouteille de Badoit rouge, bouteille de lait en PET opaque, canettes PET/Alu, …) peut largement être compensée par des gains sur des matériaux moins chers, sur une efficacité marketing accrue, … et qu’elle est in fine absorbée par le consommateur. Nous appelons de nos voeux la mise en place une autorité indépendante, s’appuyant par exemple sur les compétences des recycleurs, et validant la mise sur le marché de nouveaux emballages. Les échecs répétés du système actuel ont montré la nécessité de dispositifs forts d’encadrement.


Proposition n°12: Demander aux entreprises d’une certaine taille de remettre tous les 5 ans un plan de prévention et d’écoconception, individuel ou sectoriel, et d’évaluer le plan quinquennal précédent à l’occasion du dépôt du plan quinquennal suivant.

Si, sur le fond, OsP souscrit pleinement à cette proposition, nous aurions préféré une approche impliquant les entreprises selon les volumes de plastiques mis sur le marché avec une périodicité de mise à jour du plan de 3 ans pour mieux répondre à des logiques de marché soumises à de permanentes évolutions.


Proposition n° 13 : Expérimenter un système de consigne dans une collectivité volontaire, où le taux de collecte serait très bas. Mettre en place cette consigne, non seulement pour les emballages dont le matériau est recyclable, mais aussi pour les emballages réemployables.

Il s’agit aux yeux d'OsP de la proposition la plus porteuse d’espoir en matière de réduction des pollutions par les plastiques. Largement expérimentée dans d’autres pays, la consigne sur les emballages ménagers a, comme le rappelle le rapport Vernier, largement fait la démonstration de son efficacité. En France, des expériences telles celles de Canibal, YoYo, Terra cycle, … témoignent à la fois de l’appétence des consommateurs pour un système qui les considère comme un acteur économique à part entière mais également de la qualité du tri qu’il génère, offrant les taux de refus les plus bas connus.


Deux regrets cependant:

  1. que le rapport ne soit pas plus ambitieux en termes de calendrier et de généralisation d'une méthode qui n'a pas grand chose à prouver.

  2. qu’il ne développe pas plus les conditions de réussite d’un tel système. A savoir :

  • Organiser en amont la réussite de la consigne en n’autorisant la mise sur le marché que d’emballages plastiques aisément identifiables, valorisables techniquement et économiquement et ne perturbant pas les filières existantes.

  • Généraliser la consigne à tous les emballages domestiques est un préalable capital. Non seulement parce qu’il répond à l’inquiétude - fondée - des collectivités de voir la consigne capter les matières premières à haute valeur ajoutée et délaisser les autres à leur charge mais également pour éviter les effets de transferts d’un emballage consigné vers un non-consigné pour baisser le prix public et induire un biais de concurrence.

  • Mettre en place une consigne réellement incitative. Le rapport Vernier évoque le montant de 15 cts par emballage qui nous semble une base de départ intéressante même si nos travaux indiquent plutôt 20-25 cts. comme seuil critique.

  • Ne pas remplacer l’éco-contribution par la consigne mais  bien considérer la complémentarité des dispositifs. L’éco-contribution restant un outil intéressant pour favoriser une politique d’éco-conception (réduction des quantité de matériaux utilisés, simplification des formulation des résines, abandon des additifs toxiques, …


Proposition n° 28 : A l’image des sanctions pécuniaires mises en place pour les ventes d’énergie, instituer des pénalités financières sur les éco-organismes pour non atteinte des objectifs (de collecte, de recyclage,…).

Le fait de fixer des objectifs quantifiés et datés aux éco-organismes et de les rendre responsables de la bonne atteinte de ceux-ci nous semble une approche nécessaire. La mise en oeuvre d’une telle proposition exigera cependant de veiller à ce que ce ne soit pas le consommateur qui, in fine, supporte le poids de sanction financières prononcées contre l’éco-organisme.


Proposition n° 32 : Instituer une unique « commission des filières REP » apte à donner son avis sur toutes les filières, au nom de l’intérêt général. Donner à cette commission, plus restreinte en nombre, une composition « grenellienne » équilibrée, en privilégiant les désignations par des organisations généralistes. Y restaurer le droit de vote de l’État. Y désigner des personnalités qualifiées indépendantes.

Faut-il regrouper les commissions des filières REP en une seule, dotée d’une réelle gouvernance démocratique ? OsP ne peut qu’adhérer à cette idée. Mais si la refonte du système était l’occasion d’introduire une vraie gouvernance démocratique au sein des éco-organismes eux-mêmes. On cite bien souvent les pays nordiques en exemple de réussite des politiques de traitement des déchets. A rebours de nos préjugés l'Italie s'impose également comme un modèle. Un modèle dont la clé du succès pourrait se cacher dans ... la gouvernance de l'éco-organisme. A la CONAI, équivalent italien de CITEO, les producteurs d'emballages ne détiennent que 8 sur 17 sièges du Conseil d'administration. 8 autres sont détenus par les consommateurs, le dernier par l'Etat.


Proposition n° 33 - 34 - 37 : Créer une autorité administrative indépendante de régulation des filières REP, ou, à défaut, confier une partie de ces tâches à l’Ademe, avec financement de ces tâches par les éco-organismes. Rendre obligatoire l’apposition matérielle du Triman, accompagné d’une info-tri, sur le produit, ou sur tout autre objet (emballage, étiquette,…) clairement visible par le consommateur au moment de son achat.

Le fait même de devoir formuler ces propositions, comme le fait que la simple apposition du triman engendre actuellement un bonus de 8% sur l’éco-contribution, témoigne de l’urgence à mettre plus de clarté et de démocratie dans le fonctionnement des éco-organismes. OsP appelle de ses voeux que l’État “opère [urgemment]une régulation au service de l’intérêt général”.


Le mot de la fin


C’est en clin d’oeil au mot de la fin du rapport Vernier que nous rappelons tout de même ici le 15eme rang de la France parmi les pays de l’UE en matière de récupération des plastiques usagés et sa 25eme place pour leur recyclage. Un score qui laisse entrevoir les efforts qui restent à fournir pour atteindre l’objectif de 100 % des plastiques recyclés d’ici à 2025 évoqués par le Gouvernement. Un objectif ambitieux mais pas irréaliste au regard des 90% déjà atteints par la Norvège. Pas irréaliste, pour autant que la future feuille de route pour l’économie circulaire offre à la France les moyens de ses ambitions.

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